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Bartreng

Shared Space

Le Shared Space est un concept innovant de design urbain et de gestion du trafic routier visant à la fois à redéfinir l’organisation du domaine public et à tendre vers un partage plus équitable de son utilisation entre les différents modes de circulation. Il est fondé sur l’hypothèse selon laquelle la sécurité et le confort de tous les usagers de la voie publique sont plus élevés, lorsque cette dernière est aménagée en priorité pour les modes de circulation doux (piétons et cyclistes) et qu’une place plus grande est laissée à l’interaction des usagers entre eux en dépouillant autant que possible la voie publique de tout équipement de sécurité ou panneaux de signalisation. Il est particulièrement adapté dans les centres urbains ou villageois, là où le trafic automobile est modéré. Dans les Shared Space, chacun des utilisateurs a des droits et des responsabilités équivalents, la signalisation est réduite ou inexistante, les espaces sont élaborés, personnalisés et adaptés au nombre et au type d’utilisateurs et non pas standardisés, les matériaux sont de qualité et la végétation occupe une bonne part de l’espace.
Certains principes de conception des Shared Spaces ont été synthétisés dans les ouvrages d’Allan B. Jacobs, professeur de design urbain à l’Université de Berkeley et ancien directeur des services de l’urbanisme de la ville de San Francisco. Deux des principes de conception des Shared Spaces identifiés par Allan B. Jacobs sont les suivants
• Observer le comportement des utilisateurs des espaces publics : la conception des rues ne devrait pas se baser seulement sur des prévisions de trafic mais sur l’étude des habitudes et besoins de tous les usagers de la rue.
• Favoriser les interactions entre piétons et automobilistes : selon Jacobs, séparer les piétons des automobilistes rend l’espace public moins sûr et affaiblit a cohésion sociale.
Selon ses observations, des rues et des intersections qui laissent la possibilité à divers types d’interactions de prendre place entre les automobilistes et les piétons, les rendent plus attrayantes et favorisent l’épanouissement des communautés qui y vivent. De plus, lorsque les automobilistes sont immergés dans un environnement conçu pour les piétons, l’espace public devient plus sécuritaire tant pour les piétons que pour les automobilistes (PPS, 2010).
Pour Ben Hamilton-Baillie (2008), le Shared Space est en fait une façon actuelle de désigner l’organisation du domaine public qui prévalait le plus souvent avant que l’ingénierie civile n’impose systématiquement et dogmatiquement la séparation des modes de transport pour augmenter l’efficacité et la rapidité de la circulation. D’ailleurs, il observe que dans les centres historiques des petites villes du sud de l’Europe, il est courant encore aujourd’hui d’observer des rues et des places, sans séparation des modes de circulation où les interactions entre piétons, cyclistes et automobilistes sont efficacement régies par des conventions informelles connues et respectées par tous. En Europe, les premières réflexions ayant conduit à l’aménagement de rues selon les principes des Shared Space ont été menées aux Pays-Bas à la fin des années ’60. Les ‘Woonerf’ ont été conçus pour réduire l’impact du trafic sur la qualité de l’espace public de petites rues résidentielles et garantir la sécurité aux enfants qui utilisent la rue pour jouer. Avec cette démarche, avant-gardiste pour l’époque, la signalisation, les bordures et les trottoirs sont retirés, ainsi que tout autre aménagement faisant référence à la route et aux automobiles. L’espace ainsi dépouillé de ses attributs techniques est rhabillé avec un vocabulaire de formes et des matériaux évoquant les jardins et les espaces verts pour le plus grand bien-être des piétons et des cyclistes. Les voitures peuvent y pénétrer à vitesse réduite et se stationner, mais la priorité est donnée aux modes de circulation doux. Plus tard, à parti de la fin des années ’70, Hans Monderman, un ingénieur en trafic néerlandais, directeur du service de la sécurité routière d’une région du nord des Pays-Bas, a adapté ces principes de responsabilisation des usagers de la route et de retrait de la signalisation, à des rues principales et des carrefours importants de petites villes du nord du Pays-Bas. Les résultats en termes d’amélioration de la sécurité routière et de qualité du milieu de vie ont été concluants et l’expérience néerlandaise a influencé et inspire toujours aujourd’hui de nombreux concepteurs d’espaces publics partout à travers le monde. Le Shared Space est en constante évolution. Avec les années le concept a été adapté à des projets accueillants un plus grand nombre d’usagers de la voie publique et en franchissant les frontières, aux spécificités techniques, législatives, culturelles et climatiques des pays qui l’ont adopté. On trouve maintenant des projets s’inspirant directement ou indirectement de l’expérience néerlandaise, ailleurs en Europe, en Amérique du Nord, en Australie et en Nouvelle-Zélande.
Aujourd’hui, les raisons pour lesquels les communautés ont de plus en plus recours au concept de Shared Space pour la conception d’espaces publics sont :
• l’émergence d’une conscience écologique et sociale pour la réhabilitation des centres urbains visant la diminution de l’utilisation de l’automobile et l’amélioration de la qualité de vie,
• les enjeux environnementaux et de santé publique liés à la présence des véhicules à moteur dans les milieux de vie et des dangers qu’ils représentent (qualité de l’air et maladies chroniques, accidents impliquant cyclistes et piétons, obésité dû à l’abandon de la marche à pied pour des raisons de sécurité ou de confort, etc.),
• l’impact négatif sur la qualité du paysage urbain qu’ont les équipements de la route, les panneaux de signalisation et le marquage au sol,
•l’impact positif sur la valeur des propriétés dans les quartiers où les Shared Spaces favorisent la création de lieux de vie riches, diversifiés, sûrs et attrayants.
Autres termes et concept associés
Naked street : (rue nue) : désigne une rue dépourvue de tous les équipements routiers habituels, tels que panneaux et feux de circulation, bordures et marquage au sol.
Complete street : (rue complète) : concept utilisé plus particulièrement aux Etats-Unis, il désigne une voie de circulation conçue pour que tous les usagers de l’espace public, qu’ils soient piétons, cyclistes, automobilistes et usagers des transports publics, puissent circuler de manière sécuritaire, efficace, agréable et confortable
Green street : (rue verte) :voie de circulation incorporant à l’intérieur de ses emprises un système de matériaux drainant, de fossés, de noues et d’espaces verts permettant de renvoyer directement dans le milieu naturel une partie ou la totalité des eaux de pluie sans qu’elles n’aient à passer par un réseau d’égout pluvial.

Exemples de projets
Rijksstraatweg – Haren – Pays-bas
Skvallertorget – Norrköping – Suède
Blackett Street – Newcastle – Grande-Bretagne
Exhibition Road – London – Grande-Bretagne
Terry Avenue North – Seattle – United States
Références
Appleyard, Donald, (1981) Liveable streets.
University of California Press, San Francisco
Gehl, Jan, (1987) Life between Buildings.
Van Nostrand Reinhold, New York
Hamilton-Baillie, Ben, (2008), Shared Space: Reconciling People, Places and Traffc in built environment vol 34 no.2
Jacobs, Alan B., (1995) Great Streets Cambridge, MA: MIT Press